Plastir N°79 – 12/25

ATMOSPHÈRE, ATMOSPHÈRES LE SENS, LES SENS, L’ESSENCE DE L’ATMOSPHÈRE

Jean-Marc CHOMAZ  est artiste physicien, directeur de recherche au CNRS et professeur à l’École polytechnique. Il a cofondé le laboratoire d’hydrodynamique du CNRS-École polytechnique (LadHyX), le laboratoire d’excellence Systèmes et ingénierie, La Diagonale de l’Université Paris Saclay en 2012 et la Chaire arts & sciences en 2017. Ancien élève de l’École Normale Supérieure (ENS), il dirige ou a dirigé 32 doctorats dont 4 en art et a cosigné plus de 250 publications. Il a reçu la médaille d’argent du CNRS en 2007 et le grand prix Ampère de l’Académie des sciences en 2012, a été nommé « Fellow » de l’American Physical Society en 2001 et de l’Euromech en 2018. Ses recherches portent sur la dynamique des films de savon, la théorie de l’instabilité, l’éclatement tourbillonnaire, les fluides géophysiques et stratifiés, la biomécanique et les arts et sciences. En tant qu’artiste, il a créé les installations Un chemin qui chemine, Time traces, Terra Bulla, le tryptique Une solution au problème de raréfaction du Temps – Futur, Bogota, 2019, Passé, Anamorphose, Bourges contemporain# 2021, Thousand shades of Green, OU\/ERT, 2019, Incipit Temporis, Silmarils, Veridis Sol, Reshift-becoming machine, Instandsetzung#3, 2022, Irreversible Abstraction, Bogota, 2023, Et mainte page blanche entre ses mains froisée, Quai des savoir Toulouse, 2023, Five Black Rivers à la cité de la musique, Paris 2024, Percevoir le bruit du monde, CWB Paris 2024, The Compass Rose, CWB Paris 2025, et la série de poèmes N56u3N4A publiée dans la revue Plastir. En collaboration avec le Duo HeHe, Anaïs Tondeur, Ana Rewakowicz et Camille Duprat, Aniara Rodado, Evelina Domnitch & Dimitry Gelfand, Olga Flór, Anouk Daguin, Tania le Goff, Nicolas Reeves, Quentin Benelfoul, Laurent Karst et François-Eudes Chanfrault du collectif Labofactory, il a réalisé plus de 30 œuvres collectives présentées dans le monde entier. Auteur régulier de Plastir (cf. Plastir 73, 06-2024Incipit temporis, Plastir 67, 12-2022, Plastir 50, 06-2018 et le hors-série “Les plis de la mémoire” publié en 2015 en numérique et en papier, Jean-Marc Chomaz nous fait l’honneur de présenter ici son approche singulière des atmosphères, partagée par nombre d’artistes et de scientifiques lors de la cinquième édition d’Useful Fictions, école d’été art-design-sciences de l’Institut Polytechnique de Paris restituée en septembre dernier au Centre Wallonie Bruxelles à Paris. Il la résume en ces termes: “L’atmosphère, qu’elle soit physique ou métaphorique, est omniprésente, invisible mais perceptible, un souffle structuré qui porte le sens et les signes. Elle nous traverse, nous enveloppe, nous relie à la Terre, à l’océan, au vent solaire, dans une respiration commune, infiniment multiple, mais aujourd’hui errante, en quête de sens. L’atmosphère pourrait-elle avoir un sens propre, cherchant à nous communiquer quelque chose ? Le vide, son opposé, révèle la puissance de l’absence, la pression immense de l’atmosphère qui nous entoure et empêche deux hémisphères de Magdebourg de se séparer même sous la traction de quinze chevaux. Parfois, l’air lui-même devient un danger, comme dans une grotte où le dioxyde de carbone, invisible et lourd, étouffe sans bruit. Des glaces de l’Antarctique aux profondeurs des océans, l’atmosphère conserve les traces du passé. Les bulles d’air emprisonnées dans la glace ou dissoutes dans l’eau racontent les cycles climatiques, les forêts pétrifiées et les énergies fossiles. Les mesures de Keeling, débutées en 1957, montrent une atmosphère en mutation, marquée par l’empreinte humaine, vibrant au rythme des saisons. Sous la surface, la gravité et la pression organisent la matière, reliant l’atmosphère gazeuse à celle de fer liquide au cœur de la Terre. Les continents flottent, les plaques plongent, et la lave, empreinte de l’air et de la vie, remonte des profondeurs. Dans cette grande boucle du vivant, l’oxygène et le dioxyde de carbone circulent, se transforment, et rythment les millénaires. Une conversation sans fin, sans centre, où les couleurs respirent, se mêlent et s’éteignent, dans un cycle infini, un murmure éternel.

THE GREY ZONE, BETWEEN HUMANS AND MACHINES: FROM VISIBILITY AND ACCESSIBILITY TO THE BLIND ZONES OF THE PLANET, THE ART PATH.

Filipe SALLES est photographe, cinéaste, philosophe et artiste plasticien. Il est titulaire d’une licence en communication sociale (cinéma) de la Fondation Armando Álvares Penteado (FAAP, 1994), d’un master et d’un doctorat en communication et sémiotique de l’Université pontificale catholique de São Paulo (PUC-SP, 2002 et 2011), ainsi que d’une habilitation à diriger des recherches (fondements théoriques des arts) de l’UNICAMP (2024). Chercheur, il est membre du CIRET (Centre international de recherches et études transdisciplinaires) et de DASMind UNICAMP (Réseau de coopération transdisciplinaire en recherche et innovation). Ses travaux portent principalement sur l’intégration de la philosophie, de la psychologie analytique et de l’art, avec pour objectif de promouvoir une recherche rigoureuse en philosophie de l’art et en théorie esthétique. Musicien amateur, il explore également la symbiose entre musique et image et son évolution. Il est l’auteur de plusieurs articles sur l’art et la psychologie analytique, ainsi que de trois ouvrages publiés dans ce domaine : la musique visuelle, l’idée-image et Harmonia Mundi. Mariana THIERIOT-LOISEL est une philosophe, poète et peintre franco-brésilienne résidant au Canada. Elle signe ses œuvres sous le nom de Mar Thieriot. Née au Brésil, elle a des racines culturelles brésiliennes et françaises, mais a grandi en France. En 1992, elle a obtenu une maîtrise en sciences de l’éducation à l’université de Lyon, suivie en 1995 d’un diplôme d’études approfondies (DEA) en sciences de l’éducation, avec une spécialisation en philosophie de l’éducation. En 1994, elle est retournée au Brésil, où elle a terminé un doctorat en éducation, culture et société à l’UNICAMP, commencé en France. Elle y a travaillé pendant 14 ans comme professeure de philosophie à l’UNIFIEO à Osasco, dans la banlieue de São Paulo, entourée de zones de grande pauvreté. Elle a émigré au Québec en 2006 et a entrepris un stage postdoctoral en philosophie à l’Université Laval sur la relation entre la philosophie, la science et les nouvelles technologies. Sa formation comprend également des études à l’École des beaux-arts de Montréal et l’enseignement et la pratique du yoga (CTY). Elle est membre de l’UNEQ à Montréal, siège au conseil d’administration du CIRET (Centre international de recherche transdisciplinaire) à Paris, est chercheuse associée au NII-Tokyo sur la médiation des conflits internationaux et membre active de l’Institut de psychanalyse et de gestion à Paris. Cet article dont la traduction française est “La zone grise, entre les humains et les machines : de la visibilité et de l’accessibilité aux zones oblitérées de la planète, le chemin de l’art”, publié en première intention en anglais dans Plastir, aborde les zones d’ombre, c’est-à-dire les problèmes et les accidents majeurs que les utilisateurs rencontrent actuellement dans leurs domaines professionnels en raison d’erreurs humaines non intentionnelles : des facteurs qui échappent au comportement mécanique et sont liés à des conflits inconscients. Le texte souligne ainsi l’urgence d’une formation humaine dialogique, à travers un processus transdisciplinaire, permettant le développement et l’application durables et démocratiques des nouvelles découvertes scientifiques. Cette formation améliorée impliquerait des méthodes philosophiques de résolution des conflits (médiation/négociation), axées sur la prise de conscience des attitudes non intentionnelles et, par conséquent, sur les façons de travailler dans la zone grise: savoir déconstruire les représentations biaisées, s’abstenir d’agir précipitamment, laisser le temps nécessaire pour prendre du recul et élaborer de manière collaborative des solutions possibles, concrètes et applicables. De telles solutions de médiation pourraient sortir de l’ombre une partie de la population mondiale : confinée à l’endettement, à la maladie, à la misère et à la souffrance sous toutes ses formes.

ART ET MÉMOIRE DANS LES ESPACES D’ENFERMEMENT : UNE DÉMARCHE DE CRÉATION – RECHERCHE. 

Nitouche ANTHOUSSI est artiste et enseignante-chercheuse (ATER) à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, où elle prépare un doctorat en Arts et Sciences de l’Art sous la direction du Professeur Jean-Marie Dallet. Son travail explore l’appropriation de l’espace dans des lieux d’enfermement ou de transit  — asiles, hôpitaux psychiatriques, prisons — ainsi que dans les environnements virtuels du métavers, en croisant approche artistique, philosophique et anthropologique. Elle a récemment été accueillie à l’université Columbia grâce au Columbia Alliance Doctoral Mobility Program, travaillant au sein du Justice in Education Initiative sous la supervision de la Professeure Neni Panourgiá. Là, elle a développé une recherche comparative sur les formes de carcéralité à Ellis Island et sur l’île de Leros, en Grèce. Diplômée de l’École des Beaux-Arts de l’Université de Ioannina puis du master « Arts plastiques et Création contemporaine » de l’Université Paris 1 Panthéon – Sorbonne, elle est également la première étudiante Erasmus internationale à avoir été acceptée comme photographe de la collection d’art moderne au Centre Georges-Pompidou. Son travail a donné lieu à plusieurs expositions personnelles à New York, Athènes, Paris et Rhodes. Nitouche Anthoussi nous résume ainsi son approche originale : “Dans les espaces d’enfermement, les murs deviennent souvent les seuls topos capables de retenir une mnēmē que l’institution elle-même n’a jamais cherché à conserver. Sur Ellis Island, à l’île de Leros et à Rhodes, les traces qui subsistent-des visages griffonnés, des mots épars, des alphabets mêlés – composent un palimpseste fragile où l’on devine encore une résistance discrète mais profonde à l’anonymat. Ces inscriptions, parfois presque effacées, ravivent une présence que les archives officielles ignorent bien souvent. Les recherches menées sur ces trois îles allient explorations sur le terrain, travail en archives et relevés artistiques en 3D. Elles cherchent non seulement à faire apparaître la souffrance, mais aussi à comprendre comment des espaces pensés pour le contrôle peuvent, malgré eux, devenir des surfaces d’expression intime et parfois des gestes de catharsis.

ARTS ET SCIENCES  / INFUSION VS CONFUSION

Christian RUBY est Dr en philosophie, chargé de cours à l’ESAD-TALM de Tours (jusqu’en 2023) et membre de plusieurs institutions dont la commission Recherche du ministère de la culture (jusqu’en 2020), le CA du FRAC Centre Val de Loire (jusqu’en 2023), de l’ADHC (association pour le développement de l’Histoire culturelle), du comité de rédaction de la revue Raison présente et de l’Observatoire de la liberté de création. Il a été chroniqueur de plusieurs revues ou sites culturels ou de recherche. Son dernier ouvrage La fécondité du vide a été publié chez MkF à Paris en 2024 (cf. Recensions dans notre rubrique Publications et www.christianruby.net. Christian Ruby est également un auteur régulier de Plastir (Numéros 53, 56, 59 en 2019/2020, n°68 et 71 en 2023 (Plastir 71, 12-2023), à l’image de ce dernier opus portant sur les rapports potentiels et effectifs entre les les arts les sciences (A&S), ouverts sur les rapports avec un ou des publics. Le propos s’ancre dans deux écarts nécessaires : éviter de soumettre le premier rapport à un universalisme abstrait selon lequel tout serait indifféremment identique, d’autant qu’on se place sous le regard d’un absolu, ou à un exotisme de l’un sur l’autre (dans les deux sens). La logique de ce graphe (A&S) doit demeurer pour l’auteur la tension positive dans un accueil ou une ouverture réciproques, lesquels fonctionnent déjà dans des pratiques. Éviter d’ignorer les adresses à divers publics. Autrement dit, ces rapports ne sont pas rendus totalement intelligibles, du point de vue épistémologique, parce qu’on convoque le phrasé A&S, notamment au vu de l’indifférence à l’égard de la conjonction de coordination « et » qui devrait éclairer des liens au lieu de laisser croire à des fusions ou à des évidences relatives aux publics.

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