PLASTIR N°66 09/2022

MÉTAMORPHOSE DES SUBJECTIVITÉS : LE SUJET DU VIRTUEL

Elsa GODART est directrice de recherche en philosophie et en psychanalyse à l’université Gustave Eiffel (LIPHA EA-7373) ; conseillère scientifique à l’observatoire du sida et des sexualités (ULB). En 2020, elle crée le DU « Éthique & Numérique » à l’UPEC qu’elle dirige et coordonne. Elle pratique la psychanalyse en cabinet depuis 2003. Elle est l’auteure de plus d’une vingtaine de livres dont Je selfie donc je suis (Albin Michel, 2016), Métamorphose des subjectivités, vol. I,II & III (Hermann, 2020) ; En finir avec la culpabilisation sociale (Albin Michel, 2021). Elle est récipiendaire du Prix des Savoirs 2020 pour Éthique de la sincérité (Armand Colin, 2020). Dans ce numéro de PLASTIR, elle nous présente notre monde comme étant soumis à nombre de métamorphoses qui viennent jusqu’à interroger les fondements même de l’humanité en l’homme. Ce monde est pour l’auteur celui de l’hypermodernité et de la virtualité, produisant un nouvel éthos. Or, si le monde se métamorphose, et en se métamorphosant produit de nouveaux comportements, qu’en est-il des répercussions qu’il peut y avoir sur le sujet ? Qu’en est-il des métamorphoses du sujet à l’ère du virtuel ? Cette question nous conduit à analyser dans un premier temps l’essence même de ces probables métamorphoses (nous présentons plusieurs changements de paradigmes fondamentaux : le rapport au temps et à l’espace et le passage d’une société dominée par la raison (logos) à une société régie par le règne d’images-éphémères (eidôlon) ; ainsi que l’importance de l’avènement d’une société de la jouissance au détriment d’une société du désir) ; puis dans un second temps, de réfléchir sur l’impact de ces métamorphoses sur la subjectivité. A la suite de cela, nous avons mis au jour l’importance de ce mouvement propre à la métamorphose dans lequel s’inscrit le sujet: subjectivation/désubjectivation/resubjectivation. Ce mouvement,  ces métamorphoses, – qui donnent lieu à des symptômes hybrides, entre le normal et le pathologique, ce que l’auteur appelle des « malaises » – aboutissent à une subjectivité augmentée.  

L’UTILISATION DE LA MUSIQUE CONCERTANTE DE SERGE RACHMANINOV DANS LA PRODUCTION CINÉMATOGRAPHIQUE ANGLO-AMÉRICAINE DES ANNÉES QUARANTE ET CINQUANTE : SUBLIMATION DU POST-ROMANTISME RUSSE OU DÉFORMATION SÉMIOTIQUE ?

Maud CAILLAT est docteure en musicologie de l’Université Lettres-Sorbonne. Chargée de cours au sein de cette université, elle est l’auteure d’une thèse rédigée sous la direction de Michèle Alten et de François Picard : Confrontation culturelle Est-Ouest pendant la Guerre froide par le biais du concours Marguerite Long (1947 à 1979). Spécialisée dans les rapports entre musique et politique dès le master, elle a étudié l’influence du réalisme socialiste sur Prokofiev. Pianiste-compositrice, elle a terminé en 2013 la Fantaisie en ré mineur K. 397 de Mozart et a récemment enregistré un disque mettant en valeur la Sonate en sol mineur de Fanny Mendelssohn. Actuellement, elle continue ses recherches sur les relations culturelles franco-soviétiques pendant la Guerre froide et prépare un livre sur la période néo-classique de Stravinsky. Dans cet article, elle nous montre en quoi la musique de Serge Rachmaninov, longtemps utilisée par les réalisateurs de cinéma anglo-américains pour illustrer des scènes romantiques, a été imitée par un nombre important de compositeurs de musique de film dans les années quarante et cinquante, jusqu’à devenir l’emblème de Hollywood. Cependant, cette image est en profond décalage avec le message contenu dans l’œuvre d’un des derniers représentants du grand style russe selon l’auteure. Comment expliquer ce glissement de sens compte tenu des changements de paradigmes que connaît la sphère musicale et du contexte culturel nord-américain dans lequel Rachmaninov trouve refuge après la Révolution de 1917 ? C’est ce que nous découvrirons dans ce brillant parcours historique…

LA BIO-SÉMIOTIQUE DU POÈME À LA LUMIÈRE D’UNE INTELLIGENCE VÉGÉTALE

Bénédicte LETELLIER est Maître de conférences en Littérature Comparée à l’Université de la Réunion depuis 2008. Ses recherches sont essentiellement consacrées à l’étude comparée des littératures arabes, européennes, et plus récemment indianoécaniennes. Depuis 2018, elle est vice-présidente du CIRET. Elle a publié sa thèse Penser le fantastique en contexte arabe (Honoré Champion, Paris 2010) et une traduction en français d’un essai, Soufisme et Surréalisme (Editions La Différence, Paris 2016) et du dernier recueil poétique du poète arabe Adonis, Adoniada (Le Seuil, Paris 2021). Selon Henri Meschonnic, « le poème est la forme langagière maximale de la vie ». Il réduit à un objet esthétique ou à la dualité de l’objet et du sujet, le poème ne peut que disparaître. Pour éviter cet écueil, Bénédicte Letellier nous invite à revenir à une conception du langage dans sa propension à œuvrer continûment entre les mots, les choses et les sujets. La matière du poème est une interface plastique à travers laquelle se rejoue l’intelligence du vivant et où s’observent l’invention d’un sujet dans une forme et la transformation d’un mot et d’un rythme dans un sujet.  Dans le recueil de Marc Williams Debono, L’épissure des mots, l’abstraction des mots ne s’oppose guère au concret des corps individuels ou des lieux terrestres. En s’appuyant sur ce recueil autant que sur la théorie d’Henri Meschonnic et la pensée scientifique de Marc Williams Debono, il s’agira donc pour Bénédicte Letellier de comprendre comment le poème, écho sensible du monde, révèle une «bio-sémiotique» voire «une symbolique intellectrice» susceptible de reproduire l’intelligence des plantes. En d’autres termes, jusqu’à quel point la pensée du poème se fait-elle l’expression intuitive de l’intelligence végétale ? Cette réflexion constituera un prolongement poétique et transdisciplinaire à la pensée scientifique de Marc-Williams Debono, ravivant tout l’intérêt de renouer les liens perdus, mais en passe de renaître entre la poésie, et plus généralement, l’art et la science.  

DANS LA FORÊT PROFONDE

Hubert LANDIER est docteur d’État en sciences économiques, professeur émérite à l’Académie du travail et des relations sociales de la Fédération de Russie (ALSR, Moscou), vice-président de l’Institut international de l’audit social (IAS), membre de l’Institut de Psychanalyse et Management (IP&M, France), membre actif du CIRET (Centre international de recherches et d’études transdisciplinaires) et membre de l’Académie de l’Ethique (France). Ses recherches portent sur la méthodologie de l’audit social et de médiation sociale et sur les obstacles culturels et épistémologiques à une évolution de la civilisation thermo-industrielle vers des comportements individuels et collectifs compatibles avec son environnement planétaire. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles portant principalement sur les relations de travail dans l’entreprise et sur le principe de l’entrepreneuriat social. Il est également l’auteur de deux romans dystopiques : A travers le monde d’après (BoD, 2018) et Sous le grand ciel vert (BoD, 2019). Comme présentée dans le numéro précédent, Mar THIERIOT est une philosophe, poète et peintre franco-brésilienne, membre de plusieurs instituts transdisciplinaires tels PSA, le CIRET et  le CETRANS (Brésil) qui publie régulièrement dans PLASTIR (voir sommaire de la revue)  . Elle vit au Quebec depuis 2008 et a abordé sous des angles différents les limites de la conscience et du non intentionnel ainsi que les émotions qui nous traversent au plan philosophique, éducationnel et artistique. En 2016, elle a notamment publié les Mutations humaines aux éditions Amalthée préfacé par M-W Debono et fruit d’un travail mené à l’Université de Laval dont certains concepts ont été étayés dans Plastir n°48/2017. Elle contribue dans cet article à deux voix à porter un regard tantôt poétique, tantôt analytique sur cette forêt profonde qui nous anime tous à des degrés divers. Plus précisément, pour Huber Landier, le village, c’est l’enfermement dans les mots, les habitus et les pratiques que nous dictent notre entourage et la société dans laquelle nous vivons. La profonde forêt, c’est l’évasion vers la vie, la découverte de ce qui est là, qui appelle l’invention de mots nouveaux, qu’il s’agira d’assembler en un dit inédit. Loin de la chaleur communicative du village, la forêt paraît lourde de menaces. On s’y perd, on y est un peu seul. Quand les certitudes s’effondrent sur elles-mêmes et que pèse la menace d’une catastrophe totale, il n’est pas d’autre moyen cependant pour ouvrir un chemin sur l’avenir…

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