Le cerveau de la « trinité » humaine 

Pierre KARLI, neurophysiologie, professeur émérite de l’université Louis Pasteur de Strasbourg, 16 Décembre 1996, Institut de Paléontologie Humaine, Paris

Pierre Karli décrit le fonctionnement du cerveau, et donc du bios, avec une optique résolument dynamique, intégrant le devenir d’un l’homme à trois facettes (« l’individu biologique, l’acteur social et le sujet en quête de sens et de liberté intérieure »), en prise à un triple dialogue avec la nature (« l’environnement matériel, le milieu social et le monde intérieur). Ces différentes strates, orchestrées par un seul et même c erveau, ont une orientation temporelle et une signification propre à l’individu.

L’auteur va tour à tour décrire le niveau de réalité biologique, avec notamment le milieu intérieur, la matière-énergie et l’information (médiation cérébrale mésencéphalo-diencéphalique), le niveau de réalité social, où se tissent l’identité psychosociale, des référentiels communs, un vécu, un affect puissant et des comportements (médiation cérébrale corticale et sous-corticale), et enfin un niveau d’intériorité, où se développent, outre les capacités de réflexion et d’intégration, une projection vers l’avenir et l’attribution d’un sens et d’une cohérence à la vie (médiation cérébrale: corticale: cortex préfrontal).

Ces trois dialogues ont, par le biais du cerveau, des influences structurantes réciproques, et sous-tendent la « trinité » humaine. Toutefois, P. Karli ne nous cache pas que le cerveau triunique (en référence à Mac Lean), hormis sa pertinence fonctionnelle, ne peut rendre compte de la complexité du vivant. Il décrit ainsi les correspondances et interactions entre actions facilitatrices des centres cérébraux phylogénétiquement anciens (comme certains noyaux centraux) et paléo- ou néoformés (comme l’hippocampe et le cortex préfrontal). A l’autre bout, le comportement, l’affect, le langage et le vécu de l’individu peuvent singulièrement moduler certaines activités cérébrales, prouvant l’interactivité dynamique entre ces deux entités.

L’auteur décrit ainsi les ensembles neuronaux et les expériences se rapportant aux trois niveaux décrits:

– i) systèmes d’appétence et de récompense au niveau mésencépahalo-diencéphalique, avec notamment la description des comportements aversifs, de punition et de renforcement négatif liés au système périventriculaire et sa modulation par les afférences GABAergiques (GABA = acide gamma- amino-butyrique: neurotransmetteur inhibiteur du cerveau) ou opioïdergiques (morphine);

– ii) systèmes de mémorisation autobiographique et de représentations cérébrales « vectorisées » par l’expérience affective au niveau hippocampique et amygdalien du lobe temporal, conférant du sens à l’action individuelle et sociale (exemples de lésions limbiques chez le macaque induisant des conduites socio-affectives très perturbées: déficits mnésiques, hyperactivité, stéréotypie, incapacité à communiquer en groupe);

– iii) systèmes d’autodétermination, de mentalité et de libre-arbitre de l’homme au niveau du cortex préfrontal (spécifiquement lié au parcours de l’hominisation) où les opérations cognitives, mais aussi la mémoire, l’affect, la projection de l’action dans le temps ou l’intentionalité, la spontanéité sont prépondérants (exemples de lésions préfrontales induisant des déficits moteurs et psychiques comme l’akinésie, la « perte d’autoactivation ou d’élan vital », le « vide mental »).

Ce dernier chapitre aborde le domaine de la conscience. L’auteur distingue le traitement des contenus mentaux de la capacité du cerveau à les faire accéder à la conscience. Se basant sur les expériences de « cerveau divisé », où le sujet qui semblait présenter deux centres de décision, garde en réalité sa personnalité intègre, il affirme que la conscience humaine est une et multiple, unifiée et unificatrice à la fois. En conclusion, P. Karli nous demande de prendre en compte l’imbrication des différents niveaux de réalité, qui, se structurant mutuellement, créent un homme entier, digne et libre.

P. Karli : « Le cerveau et la liberté », O. Jacob (1995).

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