Plastir N°72 03/2024

L’ART DE MONTRER L’INVISIBLE, L’AUTRE RÉVOLUTION QUANTIQUE

Maître de Conférences à Jussieu, Sorbonne Université, Charles ANTOINE est chercheur au Laboratoire de Physique Théorique de la Matière Condensée (LPTMC). Ses activités de recherche et d’enseignement universitaire portent sur la physique quantique, la complexité et les symétries. Violoncelliste, passionné par l’histoire, la philosophie et les arts de toutes sortes, il est également très investi dans la transmission de sa passion pour la physique quantique. Conférencier, traducteur et auteur de plusieurs livres tant de niveau universitaire que de vulgarisation, sa démarche consiste à explorer de nouvelles manières de transmettre les connaissances les plus pointues en science : via des livres pour enfant et des romans graphiques, la réalisation d’ateliers pratiques pour le grand public, ainsi que la création de spectacles mêlant arts et sciences, comme le spectacle « equiQuanto » où la physique quantique est racontée sous forme de spectacle équestre dessiné en direct. Il s’intéresse aussi à la question du langage et des biais cognitifs à l’œuvre lors de cette transmission des sciences, et est par ailleurs responsable, à Sorbonne Université, de la formation en double cursus « Science & Design » en partenariat avec l’école nationale du Design (ENSCI). Dernier ouvrage paru: « Schrödinger à la plage, la physique quantique dans un transat », Dunod 2022. À la croisée des arts et des sciences, Charles ANTOINE nous fait plonger au cœur de la révolution quantique en nous initiant à l’art de montrer l’invisible dans ce numéro de Plastir qu’il résume ainsi : « Depuis la nuit des temps, l’humain tente de comprendre les mondes qui l’entourent. Le monde physique, palpable et sensible, mais également tous ces mondes invisibles qu’il devine, au loin ou au près, et qui échappent à ses sens, à son langage et à sa pensée. Des mondes oniriques, poétiques, mathématiques… qui posent la question de leur traductibilité et plus généralement de celle du langage. Et si la physique est restée pendant longtemps une science relativement populaire et accessible à tous via le langage commun, la révolution quantique du XXème siècle a fait voler en éclats non seulement toutes nos certitudes « classiques » sur l’univers, mais également notre espoir d’exprimer fidèlement cette science autrement que par le langage mathématique. Mais de nombreux artistes et scientifiques ne l’entendent pas de cette oreille et, au contraire, s’essaient à d’autres langages pour tenter de traduire l’indicible et rendre visibles ces subtils et mystérieux invisibles de la physique quantique. Et de plus en plus ! Aux quatre coins du monde. Comme si la pluralité des langages « autres » était nécessaire pour arriver à apprivoiser la multiplicité qui semble intrinsèque au monde quantique, tant dans ses formulations mathématiques que dans ses interprétations. Et que l’on retrouve même aujourd’hui dans les diverses implémentations techniques des fameux ordinateurs quantiques, véritables figures de proue de la 2èmerévolution quantique en cours. Un véritable éloge de la différence et du bilinguisme art-science.»

POSTURES ARTISTIQUES ET SOCIOLOGIQUES EN REGARD : DANS LES COULISSES D’UNE RECHERCHE COLLABORATIVE

Marie DOGA est maîtresse de conférences à l’Université Toulouse 3 et membre du laboratoire CRESCO (EA 7419). Elle est sociologue de la culture et des pratiques artistiques, corporelles ou de loisirs. Une partie importante de ses recherches s’intéressent aux constructions des inégalités, aux formes de socialisation et aux expériences vécues par les jeunes vulnérabilisés et précarisés. Ses terrains d’enquête se concentrent aussi bien en quartiers prioritaires de la politique de la ville, qu’auprès de mineurs sous-main de justice ou au sein de dispositifs scolaires conçus pour des élèves à besoins éducatifs particuliers. Fanny TUCHOWSKI est docteure en Arts & Sciences de l’Art, membre du laboratoire LERASS de l’Université Toulouse 2 Jean Jaurès et plasticienne. Spécialisée dans l’analyse et la modélisation de dispositifs artistiques, elle coordonne et anime des projets artistiques interdisciplinaires mêlant les arts et la recherche en sciences sociales, notamment auprès de publics vulnérabilisés (victimes de LGTphobies, primo-arrivants, sous-main de la justice, etc.). En tant que plasticienne, elle mène des projets artistiques autour de la mémoire, notamment dans le cadre de résidences de territoire, et des installations la croisée des arts plastiques, de la vidéo et de l’astrophysique. Depuis plus de deux ans, leur équipe de recherche pluridisciplinaire expérimente des projets artistiques et scientifiques (sociologie, science de l’art, sciences du langage) qui engagent une réflexion sur les discriminations. Les ateliers de pratiques artistiques – menés par des artistes professionnelles – sont proposés à des jeunes âgé·e·s entre 8 et 25 ans, issus majoritairement de quartiers classés Politique de la ville. Si penser la création artistique comme un levier épistémologique permettant d’entrer sur des terrains sensibles est une approche particulièrement originale, elle n’en demeure pas moins complexe à mettre en place. Enquêter in vivo et in situ auprès de ces jeunes vulnérabilisés sur le sujet délicat des expériences de discriminations vécues, nous a demandé de réexaminer nos méthodes d’enquête qualitatives, de s’en éloigner, de polir leurs contours trop rêches, trop intrusifs. Quels enjeux méthodologiques se tissent alors dans ce type de recherches collaboratives, scientifiques et artistiques ? Comment des savoirs disciplinaires différents circulent et cohabitent sur le terrain ? Comment l’art comme méthode contribue-t-il à faire d’un stigmate (Goffman, 1991) une matière artistique ? Ce sont là toutes les questions qu’elles approfondissent et auxquelles elles nous apportent des éléments de réponse dans Plastir.

POUR UNE PLASTICITÉ QUANTIQUE

Pascale WEBER est plasticienne, elle pratique notamment le dessin et la céramique. Ses thématiques de recherches concernent les rapports qu’entretient notre corps à ce qui l’entoure. Jean DELSAUX s’intéresse à la perception et la représentation de l’espace dans lequel notre corps évolue. Il pratique la captation d’images (photographie, systèmes vidéonumériques). En 2011 ils ont fondé le duo Hantu qui réalise des performances qui traitent du corps en présence et en représentation, en rapport avec son environnement humain et non-humain. Ils ont effectué et présenté leur travail aussi bien dans la jungle de Mentawai en Indonésie qu’au Sapmi (Norvège), dans la forêt Brésilienne que celle du Saguenay (Canada), chez les Inuits ou dans la forêt du Puy de Dôme. Ils ont publié des textes dans lesquels ils envisagent leur pratique artistique à la rencontre des cultures dites mineures mais aussi de l’anthropologie, de la biologie, du droit, de la neurophysiologie de la perception, des mathématiques et ici de la physique… Ils considèrent la création comme un terrain d’ouverture à de multiples imaginaires et pour cela ils s’attachent à croiser leur réflexion avec celles de spécialistes d’autres disciplines que celle de l’art. Les auteurs ont déjà publié  un article dans Plastir n°39, 06/2015. Une série de dessins est à l’origine de ce nouveau texte inédit présenté dans le numéro 72 de Plastir. Le titre de la série est « Plasticité quantique ». Il renvoie à la forme qu’en imagination le novice peut chercher à donner à des phénomènes avérés mais qui ne seraient pas accessibles à ses sens de perception. L’article que nous proposons dans ce numéro est une réflexion d’artistes passionnés par ce que les théories quantiques suscitent dans notre imaginaire. Nous nous sommes attachés à aborder ces questions, en regard de ce que notre expérience de plasticiens nous suggère, quant à l’espace, au temps, à la matière, à la perception. Lire quelques-uns des pionniers et développeurs de ces théories de la physique nous a éclairés, et nous remercions Charles Antoine de la lecture attentive qu’il a faite de notre texte tant nos domaines respectifs sont éloignés par leur objet et leur méthodologie. La difficulté est d’autant plus grande lorsque l’on utilise les mêmes termes dans les domaines de l’art et de la science, alors qu’ils n’y ont pas les mêmes acceptions. C’est tout cela que nous avons confronté dans notre texte : comment un artiste peut-il se sentir concerné par la physique, comment peut-il entrer en dialogue avec la science ? Comment les méthodologies peuvent-elles être mises en regard et que peut résulter de cette confrontation ?

CE QUE FAIT L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE À L’ART

Nathalie FOUGERAS est artiste en arts visuels. Elle a suivi un post-graduate ENSAD Arts Décoratifs de Paris en Arts Visuels Multimédia (labo ARI) et poursuivi des études en Arts Plastiques et Sciences de l’art à Saint-Charles Paris 1 Sorbonne et en Arts et Art de la Photographie à Paris 8 (Docteure en Arts Plastiques et Arts de la Photographie) ainsi qu’en art sonore à la Folkhögskolan (Haute école populaire, Suède). Les questions qu’elle pose dans sa présentation sont les suivantes : Comment la circularité d’un matériau vient déborder jusqu’aux process de création ? Que produit l’économie circulaire en amont même de l’acte artistique ? Sa réponse est « En suivant la progression de l’exploration d’une forme à partir de son croquis IA de départ, je pose des étapes et reprises de la formulation d’une sculpture faite de cuirs recyclés. »

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