PLASTIR N°68 03/2023

VERS UNE NOUVELLE ÉPISTÉMÈ QUANTIQUE ? LES PRATIQUES ARTS-SCIENCES COMME OUTILS « D’INTRICATION SOCIALE » AU SERVICE DE NOUVELLES RÉALITÉS ÉMERGENTES.

L’artiste Julien RIDOUARD explore notre monde commun à travers les émotions et la poésie, créant de nouvelles frontières entre la science et l’art. Il a commencé ses recherches en apprenant la physique fondamentale, en travaillant dans des laboratoires (CEA & CNRS) et au synchrotron européen (ESRF). Il est titulaire d’une maîtrise en physique fondamentale et d’un master en Communication scientifique et technique. Afin d’élargir ses perspectives artistiques, il a suivi une formation accélérée à l’École nationale d’art de Paris (ENDA) en 2020. Le travail de Julien R. se concentre autour du processus de stimulation de l’empathie et le besoin d’expérimenter la science et la technologie dans notre propre poitrine. Il travaille à travers un éventail de médias, y compris l’installation, le film, la photographie et la performance. Il poursuit cette exploration de l’art visuel au quotidien en résidence dans un laboratoire de haute technologie spécialisé dans la microfabrication dédiée à la recherche et à la microfluidique (Blackhole Lab & Elvesys Innovation Center) à Paris depuis 2021. Les interviews sont indispensables dans le travail artistique de Julien R. Petit à petit, il permet aux mentalités d’évoluer sur l’acceptation de ses émotions et qu’elles puissent s’exprimer davantage dans le développement de nouvelles technologies. Pour que les innovations futures soient plus « humaines », plus en lien avec l’être humain. Dans cet article, Julien R. aborde la pratique art-science sous l’angle épistémologique avec une visée quantique. En effet, selon lui, les découvertes successives dans le domaine de la mécanique quantique nous donnent des outils pour penser les évolutions de nos sociétés contemporaines, plus de cent ans après l’introduction du quanta. Les pratiques arts-sciences se développant de façon concomitante sont-elles l’essence de nouvelles formes « d’intrication sociale » ? Cette courte esquisse donne à penser les prémisses d’un futur travail de Recherche-Création dialoguant entre l’évolution des pratiques humaines, ou pragmata, et les nouvelles théories quantiques. Il s’agit d’un appel à développer un réseau de partenaires en capacité de soutenir l’émergence de cette recherche. Nous y faisons écho dans Plastir.

COMME SUR LES SILOS DE L’HISTOIRE – L’ENRACINEMENT AU PRINCIPE DE L’ŒUVRE D’ART.

Historienne d’art, Françoise LONARDONI est responsable du service culturel au Musée d’art contemporain de Lyon. Elle a auparavant dirigé l’Artothèque de Lyon – Bibliothèque municipale, et l’Espace arts plastiques de Vénissieux, où elle a été curatrice de nombreuses expositions parmi lesquelles : Daniel Firman, Raphaël Zarka, documentation céline duval, Rudolf Bonvie, Lucy Watts, Ludovic Paquelier, Valérie Crenleux, Gabriele di Matteo, Gerd Bonfert, Jérémy Liron, Fabienne Ballandras… Elle assure des enseignements à l’Université de Lyon, ainsi qu’au campus E-art de Hangzhou, Province du Zhejiang – Chine. Elle publie régulièrement des textes critiques pour des artistes ou dans des domaines esthétiques tels que la photographie contemporaine, le livre d’artiste ou bien à la croisée entre esthétique et société: la recherche-création, les nouvelles médiations, l’art comme pratique participative. Elle est membre du bureau du centre d’art et d’estampe contemporaine URDLA (Villeurbanne), et de l’association Documents d’artistes Auvergne-Rhône-Alpes. Artiste-plasticienne diplômée de l’École d’Art Appliqués de Sèvres et des Beaux-arts de Lyon, Valérie CRENLEUX a enrichi sa formation à l’école IIIS de Trappes puis de communication digitale chez Marcorel. De 1997 à 2023, ses recherches ont été menées en atelier et en résidences d’artistes et l’on rendu sensible à l’environnement : lycée agricole de Cognin, DRAC Rhône-Alpes, Moly Sabata, Fondation Albert Gleizes et plus récemment au Centre des Arts et des Sciences, Atlas de la ville de Saint-Ouen. Elle a participé à plusieurs festivals vidéo en France comme à l’étranger : Vidéomedja en Yougoslavie, les instants vidéos de Manosque, la friche de la belle de Mai à Marseille ou bien le festival Vidéo Formes de Clermont-Ferrand. Différents lieux ont contribué à valoriser les œuvres produites par des expositions et des publications. Un portfolio collectif « Points in spaces » a été édité en 75 exemplaires sur rives et a réunies à cette occasion 4 sérigraphies d’artistes. En 2018, Son travail a fait l’objet d’une exposition personnelle : « Le dessin de la terre, espaces sensibles » au Domaine départemental de Montauger en partenariat avec l’exposition : « Nuits », Muséum d’histoire Naturelle. Puis en 2022, elle a exposé à la Galerie Espace Regards « Génèse(s) » avec Pauline Liswoski et à la galerie Héloise « Ici-là-bas » sous le commissariat d’Emma Bourgin. Dernièrement, son travail a fait l’objet d’une installation « Mondes Souterrains » ; « le nom du monde est forêt » avec le CNEAI à la CIUP, Maison de l’île de France. En avril 2023, l’exposition « Racines » sera à la galerie de Centre de Arts et des sciences. Puis, elle a été invitée a participé au festival Bellastock 2023 « ville éphémère ». Françoise Lonardoni nous présente pour Plastir la genèse de l’œuvre de Valérie Crenleux en la situant dans le contexte de l’art contemporain, de ses influences, notamment Gilles Clément, mais surtout en soulignant sa démarche singulière. Cela commence par une grande toile couverte de mauvaises herbes qui, paradoxalement, donne déjà le sentiment d’avoir affaire à de la matière vivace, à du vivant. Puis, très vite on comprend que ce qui agite l’artiste, ce sont les relations entre le sous-sol et l’aérien : autrement dit les racines comprises comme le lien essentiel entre les éléments, entre le visible et l’invisible, comme cette pousse verticale qui caractérise le vivant. Et c’est bien de cette relation intime entre la tige et la racine, entre l’enfoui et l’émergent, entre la nuit et le soleil que Valérie Crenleux donne à penser une présence. « À certains égards, ce partage de fascination pourrait être comparé à l’intérêt des surréalistes pour les   phénomènes naturels. » nous dit avec justesse Françoise Lonardoni en faisant référence à Caillois et ses minéraux. Mais ici, la matière est végétale, lente, puissante… faisant peu à peu naître les œuvres-racines de Valérie C. où le matériau racinaire est malaxé, moulé comme la glaise d’une sculpture. Ainsi ces mains-racines qui se tendent et la lente gestation de la série des fœtus : symbiose plastique, voire plasmatique qui montre un corps inachevé… D’autres approches plus picturales renouent avec Fautrier, tandis que s’épandent les lianes et réseaux racinaires dans autant de matériaux divers, pierre, terre cuite (œufs racinaires), bitume ou tressages et moulages donnant à l’artiste le statut éphémère et magique de dentellière. De grandes toiles zébrées de racines nous rappellent sans cesse que le motif essentiel est l’inclusion de la matière vivante au sein de la toile. Et il peut suivre des trajets différents, tantôt urbains, tantôt écocides, mais toujours en lien avec la nature, la Terre et la conscience de l’habiter au sens de Descola. Plus profondément, ce sont les symboliques fortes de graines ou de racines floutées incluses dans de la résine, de tapis de racines signifiant la pression anthropique, de chantiers visant à lire et sentir la terre, de matières géologiques, de paléosols et de mégalithes qui sont tour à tour dévoilés. Quelques soient les matières et les techniques utilisées, c’est toujours, la nécessité de l’art qui se fait jour dans ce récit au sein duquel transparait l’exploration des « silos de l’histoire » intime de l’artiste dont Françoise Lonardoni nous fait découvrir sans concession le flux et tous les versants. Un monde souterrain auquel on ne peut que s’enraciner…

SUR L’EXPRESSION «SANTÉ CULTURELLE» APPLIQUÉE À L’EXPÉRIENCE ESTHÉTIQUE, CULTURELLE ET EDUCATIVE DES ENFANTS.

Christian RUBY est philosophe. Il est membre de l’ADHC (association pour le développement de l’Histoire culturelle), de l’ATEP (association tunisienne d’esthétique et de poïétique), du collectif Entre-Deux (Nantes, dont la vocation est l’art public) ainsi que de l’Observatoire de la liberté de création. Ancien membre du CA du FRAC Centre Val-de-Loire, il a publié ces dernières années : Abécédaire des arts et de la culture, Toulouse, Éditions L’Attribut, 2015 ; Devenir spectateur ? Invention et mutation du public culturel, Toulouse, Éditions L’Attribut, 2017 ; Des cris dans les arts plastiques (voir publications), Bruxelles, La lettre volée, 2022.  www.christianruby.net. Après un essai inaugural sur le domaine art-science paru dans Plastir, 52, 12/2018,  il a publié plusieurs articles dans Plastir n°53, 55 & 56 dans ce domaine ou interrogeant les champs croisés politiques publiques/éducation/citoyenneté et art. Dans ce numéro, il aborde avec originalité l’idée de santé culturelle sous l’angle ainsi résumé : Face à la formulation de propositions d’éducation, il convient d’interroger la forme d’humanité et de cité dessinée. En l’occurrence, depuis quelques temps, les esquisses de dispositifs à faire entrer dans les politiques publiques de la formation des citoyennes et des citoyens et de leurs enfants, voire des enfants du siècle que nous sommes toutes et tous, renvoient à un déni des philosophies de l’émancipation, à une crise des « vertus » de la succession et à l’ambition de sa dissolution dans l’imposition d’une « santé culturelle » à tous les « enfants ». En emboîtant six temps critiques relatifs à l’idée de « santé culturelle », nous voudrions contribuer à souligner la nécessité de nous occuper moins des « enfants » (ou des « jeunes ») que de ceux qui s’en occupent et de leurs angoisses.

CONVERSATION AVEC MON PÈRE

Mounir SAMY est un amateur d’art et un collectionneur. Il est né en Égypte et est arrivé en tant    qu’immigrant au Québec il y a environ 50 ans après avoir obtenu son diplôme de l’école de médecine. Il est médecin, pédopsychiatre, professeur agrégé de psychiatrie à la retraite à l’Université McGill et membre du Collège royal des médecins et chirurgiens (Canada).  Il est également psychanalyste adulte et enfant membre de la Société psychanalytique canadienne et de l’Association psychanalytique internationale. Le Dr Samy est le fondateur et le président de l’Aquarium Foundation, la seule fondation psychanalytique pour le bien-être des enfants, des adolescents et des jeunes adultes au Canada.  Il a travaillé pendant environ 40 ans au Centre universitaire de santé McGill (CUSM) – Hôpital de Montréal pour enfants, avec des organismes communautaires et dans sa pratique privée.  Il a également entrepris plusieurs missions psychiatriques humanitaires dans des zones de guerre ou des zones défavorisées sur quatre continents. Il est l’auteur de plusieurs publications scientifiques et générales. Le Dr Samy est le premier récipiendaire du prix Méritas de l’Association québécoise de suicidologie et a été mis en nomination pour le Prix d’excellence 2000 de l’Association des Psychiatres (AMPQ) du Québec. Il a fondé Aquarium comme héritage d’une carrière consacrée aux besoins émotionnels profonds des enfants et des familles et pour souligner l’importance du monde intérieur, à la source de toute la créativité, de l’amour, de la beauté et du sens dans notre monde en crise. Sonia Indelicato ROSEVAL est une artiste visuelle multidisciplinaire élevée à Montréal dont le travail explore la spiritualité, la nature et la connectivité universelle des gens. Travailler sur une gamme de médiums, de couleurs vives, de textures rêveuses et de formes symboliques crée une expérience visuelle immersive, invitant les spectateurs à considérer la relation entre leur moi intérieur et extérieur et les forces au-delà d’eux dont ils ne sont peut-être pas encore conscients. L’art visuel de Sonia Roseval célèbre notre humanité commune, nous connectant à notre environnement et les uns aux autres au-delà de l’ethnicité, du genre et des croyances religieuses. Son travail plonge dans le domaine spirituel tout en étant profondément enraciné dans le monde naturel, nous montrant l’interconnexion de toute vie. Méditation depuis 1989. Elle est allée vivre dans la région métropolitaine de New York de 1991 à 1998. À cette époque, elle a été approchée pour donner ses œuvres sur papier au Museum of Women in the arts à Washington D.C. Elle a également été approchée pour faire un projet de dessins avec la Fondation en charge de Monticello maison de Thomas Jefferson. À son retour au Canada, ses faits saillants ont été d’exposer à la Nova Scotia Gallery (AGNS) à Halifax. La galerie du Grand Victoria C.-B. Elle a fait don d’une grande collection de ses œuvres à l’aile psychiatrique de l’hôpital Victoria. Une de ses œuvres se distingue comme l’emblème de la société psychanalytique du secteur Français à Montréal. Au cours des dernières années, elle a exposé à l’écomusée du fier monde Montréal. Le Musée des beaux-arts de Mont-Ste-Hilaire. Le Musée Pierre Boucher à Trois-Rivières, Québec. Plusieurs expositions avec jury à la Galerie Stewart Hall, Pointe-Claire. Résidences en Irlande, en France, au Portugal et aux US. Membre de l’Association des Artistes pour la Paix, elle a publié dans la revue Rencontre et dans les Cent Vingt du Cercle des Artistes Peintre du Québec (Guy Robert). Pour Plastir, un article inédit dans sa conception où Mounir Samy se fait conteur de conversations secrètes, imaginaires et pourtant bien réelles qu’aurait l’artiste Sonia Indelicato Roseval avec un père dont elle admire tant le parcours scientifique et avec qui elle s’adresse par collage interposé, faisant dialoguer, voire danser les formules chimiques sur papier jauni au gré de sa fantaisie artistique. Un dialogue science-art inédit car il est muet, iconique et dans la représentation. Un dialogue père-fille inédit car comme le souligne l’auteur, il est issu de non-dits et prend la forme d’une chorégraphie où l’artiste cherche le ton, le rythme, le pas de danse qui lui rendrait l’émotion première de son enfance, plus bercée par les harmoniques de sa mère que par les formules chimiques acerbes de son père. Mais qu’importe, sur ses toiles, les pas volent, les langues se délient, les formules se détachent comme par magie pour emboîter leur pas de danse… Plus loin, ce sont des formes maternantes noires et blanches à l’image de notes musicales qui l’emportent. Et on découvre que c’est l’univers paternel tout entier qui est secret, son laboratoire, son rôle dans l’armée, ses écrits indéchiffrables… L’auteur nous montre comment Sonia Roseval transcende ces questions sans réponse, ce vide resté là, cherchant dans ses œuvres la rédemption plutôt qu’une réponse péremptoire à ses questionnements. Travail de deuil et d’espoir aussi, pris dans la masse en ce qu’il contient des morceaux d’enfance et les écrits même du père recomposés par sa fille. « Car l’œuvre de Sonia Indelicato Roseval et son développement dans la collection inspirée par son père est une recherche de la vie enfouie dans ce qui est organique. Recherche dans le macrocosme et le microcosme de la perception. Il se produit une esthétique autour d’une nature cellulaire. » nous dit Mounir Samy à propos de la cette seconde série d’œuvres présentées qu’il imagine comme vues à travers un microscope et relater « un pont entre l’art et la nature vivante ». Le lecteur trouvera ensuite des œuvres très récentes que l’artiste nous a confié pour Plastir où un festival de formes et de couleurs envahit tout l’espace. L’artiste y fait à nouveau dialoguer formes et fonds représentant la nature vue, avec ses propres mots « comme un chaos intégrant des formes de filets qui protègent l’ensemble ». Comment ne pas y voir cet amour envahissant porté dans les premières toiles par l’image protectrice du père et nous traversant ici de part en part, tant l’art comme le message sont universels.

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