Plastir N°78 – 09/2025

POÉTIQUE DE LA CORDE RAIDE. RECHERCHES ET CRÉATIONS EN RÊVERIE AUGMENTÉE.

Nathalie DELPRAT est physicienne de formation et a fait des études musicales (violon, musicologie du XXes. IRCAM/EHESS, Centre Acanthes). Titulaire d’un doctorat en Informatique Musicale, elle enseigne à Sciences Sorbonne Université où elle a créé des cours transverses (arts-sciences-philosophie). Elle est chercheuse au Laboratoire Interdisciplinaire des Sciences du Numérique, LISN-CNRS Paris-Saclay et y a codirigé l’axe VIDA (Virtualité, Interaction, Design et Art). A ce titre, elle a participé à la création de la Diagonale Paris-Saclay et à l’organisation d’évènements art-science. Nathalie Delprat a obtenu une délégation au CNRS en sciences informatiques (2016) et en sciences philosophiques et sciences de l’art (2020). Elle a reçu le prix CNRS-Images du Festival Sciences en Lumière (2018) et a été lauréate d’une résidence Médicis à Rome (2022). Ses travaux explorent l’imaginaire des technologies numériques, notamment celui associé à la matérialisation virtuelle du corps. Elle nous présente en primeur pour Plastir son approche via le dispositif ELEMENTA où il est possible de transformer le corps d’une personne en une matière élémentaire et d’inventer d’autres explorations du sentiment de soi en modifiant l’enveloppe corporelle jusqu’à son effacement. Il en découle de nouvelles médiations par l’image et l’émergence de sensorialités premières qui ramènent aux récits non-verbaux de l’affect. Un travail artistique a enrichi la pratique scientifique (et vice-versa) combinant les retours d’expérience de publics variés. Cet article reviendra sur les avancées et les questions encore sans réponse posées par cette approche atypique. Il proposera de partager les détours, écueils et enjeux d’une démarche sur le fil qui se nourrit des dimensions scientifique, esthétique et philosophique du paradigme de Rêverie Augmentée ouvrant la voie à un mode de connaissance poétique à rebours, à côté, et par-delà les tracés établis.

ENTRETIEN AVEC CLAIRE SAUVAGET : A LA RECHERCHE DE NOS RACINES DANS LA NATURE.

Khélil GOUIA est enseignant et directeur de recherches à l’ISAMS, Université de Sfax. Après une maîtrise en philosophie et un DEA en Théories de l’art, il a suivi deux doctorats en Sciences et techniques des arts (Université de Tunis) et en arts plastiques (Université de Toulouse 2),  Il a été président de la Fédération tunisienne des arts plastiques, rédacteur en chef de la revue bilingue à comité de lecture Arts-Founoun, publiée par le Ministère de la culture et a coordonné un certain nombre de séminaires et de conférences internationaux en Tunisie et ailleurs. Auteur de plusieurs publications en Esthétique, Poïétique et Histoire de l’art, il est également plasticien, écrivain, chercheur en matière d’art et de sciences humaines et commissaire d’expositions. Claire SAUVAGET,  diplômée de deux masters (MA fine art de Birmingham / Institute of Art and Design, UK) et master pro. création numérique (Université Toulouse Jean Jaurès), est artiste transmédia (installations sculpturales, vidéo, performances et création sonore). Inspirée de la science-fiction, et des formes artistiques expérimentales, ses créations hybrides explorent la relation entre l’humain et son environnement naturel et urbain, en croisant art, écologie et technologies, dans une démarche poétique et critique. Depuis 2008, elle expose en France et en Europe dans des événements d’Art contemporain, d’art numérique, de land art et dans l’espace public. www.clairesauvaget.com. L’objet naturel pour l’acte créatif est-il simplement un matériau, ou est-il la finalité même de l’œuvre au sein d’une pensée en cours ? Qu’est-ce que la nature peut offrir à l’artiste aujourd’hui ? L’art, comme créateur de valeurs, peut-il apporter un tel sens à la nature ? C’est dans ce contexte que s’inscrit l’entretien de Khalil Gouia avec Claire Sauvaget : “ Nous avons tenté d’adapter les questions à l’étendue des thèmes que cette démarche soulève en nous. Parmi ceux-ci : La Nature comme modalité d’être, comme trace et immédiateté… alors l’Art, comme transformation et restitution. Chose qui nous incite à redéfinir l’art en fonction du rapport à l’objet naturel. Mais aussi, comment envisager la résistance de cet objet naturel face aux processus d’artificialisation, aux effets de la technologie et aux circonstances artefactuelles ? Ces questions nous amènent à s’interroger sur ce qui est ontologique dans l’objet naturel et sur ce qui est poïético-esthétique dans l’œuvre de l’artiste.” C’est ce qui ressort en substance de ce dialogue fécond sur la recherche en art établi autour des oeuvres de Claire Sauvaget.

ENJEUX DE LA COMMUNICATION NUMÉRIQUE DANS LES PAYS EN VOIE D’ÉMERGENCE : OPPORTUNITÉS ET LIMITES.

Péguy LUMUENE LUSILAVANA est enseignant chercheur en philosophie. Spécialiste d’Henri Bergson (Société des Amis de Bergson), il oriente ses réflexions en croisant la métaphysique, la philosophie de l’esprit et la phénoménologie-herméneutique avec les sciences et technologies contemporaines : neurosciences (la notion de plasticité), techniques de l’information et de la communication, numérique, intelligence artificielle. Il s’intéresse également à la méthodologie de la recherche et aux questions de pragmatique du langage, notamment la problématique de la théorie du discours, ainsi que celle du rapport science-religion. Après avoir écrit un plaidoyer pour une approche neurophilosophique de la réconciliation dans Plastir N°73/06-2024, il développe dans cet article original l’idée maîtresse que la maîtrise du numérique est une chance pour les pays en quête d’émergence politique, économique et technologique. Pour l’auteur, investir dans ce secteur en termes d’équipements et de recherche offre de multiples opportunités sur le plan de la démocratie, de la sécurité et de la souveraineté. Toutefois, cette autonomie numérique doit être accompagnée du renforcement de l’esprit critique ; car l’outil informatique, comme tout artifice de l’humain, demeure ambivalent et exige une approche qui intègre le bon sens, l’éthique et le respect des droits humains. Ainsi, les pays émergents ne seront pas ignorants de la neutralité apparente de cette technologie,  étant donné que le contexte culturel et l’idéologie à l’origine de son invention, les biais qui orientent les algorithmes qui effectuent ses opérations véhiculent toujours une vision du monde, une puissance de la bonne volonté qui peut toujours cacher également une volonté de puissance.

« QUEL ESPACE ! DANIEL SILVER, HUMAN ACTIVITY [BLOOMBERG SPACE, LONDON] »

Cécile VOISSET fait de la recherche en indépendante, associée à un laboratoire pluridisciplinaire (Paris XII) qui ne sépare pas la philosophie de la littérature. Sa thèse de philosophie avait pour objet un mythe. Elle écrit, et traduit. Elle écrit notamment sur l’art contemporain, intriguée par la couleur en général et l’espace comme expression. Ses dernières publications : Guy Hocquenghem. La Révolte (1946-1988), préf. de R. Schérer, Paris : éd. du sextant (2015) ; Revolt : Guy Hocquenghem (1946-1988), traduit du français, Lambert Academic Publishing, juin 2024 ; Identitary Order, LAP (2017) ; “Vicken Parsons’Blue”, Plastir 61-06/2021 et « Stael: space-time for colours and forces battlefield’s plasticity (la nature morte comme originalité staëlienne) » Plastir 71-12/2023. Cécile Voisset nous présente dans ce nouvel article pour Plastir une exposition tout sauf banale, consacrée à des statues signées D. Silver qui s’est tenue à Londres de juillet 2019 à janvier 2020 : pas banale par l’emplacement de la galerie où ces quatre statues imposantes se tenaient. A chaque coin de la pièce de grandeur somme toute moyenne, ces statues accaparaient l’œil : toutes bien assises sur cette galerie de surface, avec en profondeur un site romain comme en abyme. L’artiste anglais conjuguait là l’art avec différents temps, son archéologie posant un principe politique de libération. L’identité contre la conquête ; l’avènement, contre l’enfouissement. La matière quasi brute dans laquelle le sculpteur taille et des formes significativement à même ce sol sur lequel les statues sont posée. Affirmation, fondation : un soubassement et une assise. Une humanité sortant de terre : autochtonie britannique vs empire romain. L’art est affirmation, audace : capacité de faire émerger des racines y compris celles qu’on a fait douloureusement taire. Des statues qu’on ne peut pas rater, dès qu’on entre.

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